Démembrement de propriété : avantages et points de vigilance
Sommaire
Mécanisme simple et efficace, le démembrement de propriété offre de nombreux avantages aux investisseurs. En effet, ce dispositif juridique permet notamment d’éviter le délicat régime de l’indivision, d’optimiser une donation ou un investissement immobilier. Cependant, il est nécessaire de connaître les enjeux de cette solution patrimoniale. Ooinvestir fait le tour de la question et fait le point sur les avantages et points de vigilance en ce qui concerne le démembrement de propriété.
Qu’est-ce que le démembrement de propriété ?
Sous ce terme un peu opaque se cache en réalité un outil patrimonial très simple. En effet, la propriété d’un bien immobilier en France est composée de 2 parties :
- la nue-propriété, soit la possession des murs ;
- l’usufruit, soit le droit d’usage et le droit de percevoir les fruits produits par le bien, les loyers par exemple dans le cadre d’un investissement locatif.
Ensemble, elles forment la pleine propriété.
Une opération de démembrement de propriété permet de réduire l’assiette fiscale d’un bien et de préparer sa transmission. Mais elle ne se limite pas à la gestion d’une succession ou d’une donation. En effet, de plus en plus, le démembrement permet de se constituer un patrimoine immobilier à moindre coût.
Ainsi, les SCPI (société civile de placement immobilier) proposent en direct ou via les contrats d’assurance vie, d’acheter soit la nue-propriété soit l’usufruit d’un bien à un prix plus accessible que s’il devait le financer entièrement. En effet, le fonctionnement des SCPI vous permet d’acquérir non pas un logement, mais des parts de la société. Vous êtes donc propriétaire d’une fraction d’un bien immobilier, et de ce fait, ce droit peut être démembré.
Le démembrement de propriété s’applique également aux titres sociaux, c’est-à-dire les parts sociales d’une entreprise ou d’une SCI par exemple. Ainsi, il est possible de profiter de ce mécanisme juridique dans le cadre de la cession ou de la transmission d’une entreprise.
La valeur de la nue-propriété et de l’usufruit dépend de l’âge du donateur. Et cela parce qu’à l’origine, le démembrement de propriété est utilisé comme outil de gestion de patrimoine, pour limiter les droits de succession. L’administration a donc établi un barème fiscal pour calculer cette répartition :
Age de l'usufruitier |
Valeur de l'usufruit (%) |
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Moins de 21 révolus
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90 %
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Moins de 31 révolus
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80 %
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Moins de 41 révolus
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70 %
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Moins de 51 révolus
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60 %
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Moins de 61 révolus
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50 %
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Moins de 71 révolus
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40 %
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Moins de 81 révolus
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30 %
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Moins de 91 révolus
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20 %
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Plus de 91 révolus
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10 %
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Exemple :
Pour un bien immobilier d’une valeur de 250 000 € dont le propriétaire a 48 ans, l’usufruit est évalué à 60 % de la valeur du bien, soit 150 000 €. La valeur en nue-propriété sera donc de 100 000 €.
Dans le cadre d’un usufruit temporaire, c’est-à-dire un usufruit à durée fixe et prédéfinie, la valeur de ce dernier est évaluée à 23 % par tranche décennale, sans fraction. Ainsi, un usufruit d’une durée de 11 à 20 ans sera évalué à 46 % (23 % de 0 à 10 ans + 23 % de 11 à 20 ans), celui de 21 à 30 ans à 69 %, etc.
Quels sont les avantages du démembrement de propriété ?
L’intérêt du démembrement de propriété est évidemment patrimonial, mais il offre aussi des avantages fiscaux non négligeables.
Un outil patrimonial efficace
Dans l’immense majorité des cas, le démembrement de propriété permet à un donateur d’organiser la transmission de ses biens de son vivant. En effet, sans précautions préalables, au moment de la succession, c’est le régime de l’indivision (plusieurs personnes propriétaires d’un même bien, qui sont solidaires des dettes et doivent prendre des décisions concernant sa gestion à l’unanimité) qui prévaut (article 815 du code civil) Or, ce régime est parfois source de conflits inextricables, qui allongent la procédure de la succession et bloquent la vente éventuelle du logement, voire finissent devant les tribunaux.
De plus, en opérant un démembrement, vous pouvez réduire voire annuler les frais liés à la transmission de votre bien. En effet, grâce à l’abattement de 100 000 € par enfant accordé tous les 15 ans par l’administration, démembrer votre maison ou votre appartement ne coûte (presque) rien. Vous devenez usufruitiers de votre bien, et vos enfants, nu-propriétaires. À votre décès, l’usufruit s’éteint automatiquement, et vos enfants récupèrent la pleine propriété du bien sans frais supplémentaires.
Exemple :
Bérénice, 48 ans, et Thibault, 52 ans, possèdent une maison de campagne d’une valeur de 440 000 €. Ils souhaitent en transmettre la nue-propriété à leurs 2 enfants.
Chaque parent va donc transmettre 220 000 €.
Compte tenu de l’âge des donateurs, la nue-propriété transmise par Bérénice est évaluée à 66 000 € (220 000 x 30 %) et la part transmise par Thibault est évaluée à 88 000 € (220 000 x 40 %).
Les droits pour chaque enfant seront calculés comme suit :
- Part transmise par Bérénice : 33 000 € (66 000 / 2)
- Part transmise par Thibault : 44 000 € (88 000 / 2)
Chaque parent disposant d’un abattement de 100 000 € par enfant, cette donation ne générera pas de droits de donation. Au décès de leurs parents, chaque enfant deviendra pleinement propriétaire de la maison pour sa moitié.
Un outil d’optimisation fiscal méconnu
Si donner la nue-propriété d’un bien immobilier permet d’anticiper la fiscalité des successions, en donner l’usufruit représente un double avantage fiscal pour le donateur.
- Baisse d’impôt : ce sont vos enfants qui perçoivent désormais les loyers, et donc eux qui sont redevables de l’impôt sur les revenus fonciers ;
- Exonération de l’IFI (impôt sur la fortune immobilière). Fiscalement, c’est l’usufruitier qui le paye, en donnant l’usufruit à vos enfants, vous le sortez de votre assiette de calcul de l’IFI.
Ainsi, en devenant seulement nus-propriétaires, les parents voient automatiquement leurs revenus fonciers baisser puisqu’ils ne perçoivent plus de loyers pour ce bien, qui sort également de leur patrimoine immobilier pour le calcul de l’IFI. Une manière efficace d’aider ses enfants en leur offrant des revenus supplémentaires, tout en réalisant une optimisation fiscale.
Il existe une exception à la règle de l’IFI. En effet, dans le cadre d’une succession, si le conjoint survivant opte pour l’usufruit légal (art. 757 du code civil) le nu-propriétaire supportera également l’impôt.
Un outil d’investissement abordable
Le démembrement de propriété trouve aussi un intérêt chez les investisseurs. En effet, certaines SCPI offrent la possibilité à leurs adhérents d’acquérir seulement une partie des droits immobiliers selon votre objectif :
- la nue-propriété seule, pour investir dans l’immobilier sans percevoir de revenus immédiats ;
- l’usufruit seul, pour générer des revenus complémentaires pendant une période donnée.
Le prix de vente est généralement fixé à 66 % de la valeur de la part en pleine propriété, avec un usufruit temporaire de 10 à 15 ans en moyenne.
À l’issue de ce dernier, le remembrement est automatiquement effectué, sans aucun impact fiscal. Vous pourrez alors percevoir des revenus issus de la location. Ce type d’opération est très intéressant pour les contribuables soumis à l’IFI (impôt sur la fortune immobilière) puisqu’elle permet d’acquérir des parts de SCPI en nue-propriété, cette dernière n’étant pas comptabilisée dans l’assiette de calcul de cet impôt. Un moyen efficace d’anticiper une perte de revenu sans alourdir votre assiette fiscale !
Pour en bénéficier, vous pouvez vous adresser à votre banquier ou votre courtier dans le cadre d’un contrat d’assurance vie, ou à une SCPI spécialisée pour un investissement en direct.
Quels sont les points de vigilance ?
Si cette opération immobilière paraît très avantageuse, et elle l’est, il est nécessaire toutefois d’être vigilant sur certains points. En effet, le risque principal est de voir votre donation annulée ou requalifiée si cette dernière n’est pas effectuée correctement. Ainsi, l’article 751 du code général des impôts précise qu’un bien démembré fait fiscalement parti, dans son ensemble, de la succession de l’usufruitier. Pour y échapper, et éviter ainsi les droits de succession, il est primordial que la donation de la nue-propriété remplisse ces 3 conditions.
- Être effectuée par acte notarié.
- Être effective plus de 3 mois avant le décès du donataire.
- Faire l’objet d’un rappel au moment du règlement de la succession.
En ce qui concerne la constitution d’un patrimoine grâce à l’investissement locatif via des parts de SCPI démembrées, via un contrat d’assurance vie ou non, il convient de bien encadrer ce type d’achat. Il est impératif de rédiger une convention écrite stipulant les modalités de l’usufruit temporaire, notamment :
- sa durée ;
- le prix ;
- la liste des frais et des travaux qui incomberont soit à l’usufruitier, soit au nu-propriétaire ;
- les conditions de renouvellement du bail en cas de location, etc.